Libye : l’Occident face au piège de l’enlisement

La révolution en Libye est en train de tourner à la guerre civile tout court, loin des scénarios Tunisien et Egyptien. Dans ces deux pays, les pouvoirs en place faisaient face à une révolte populaire non armée qui, à force de détermination, a obligé les dictateurs à partir. Le cas libyen s’est révélé plus compliqué.

Après quelques jours d’insurrection civile, les rebelles ont pris les armes dans l’Est du pays, offrant l’occasion au colonel Kadhafi de déployer contre eux une force de frappe sans commune mesure avec leurs dérisoires kalachnikovs et lances roquettes. Les moyens ainsi déployés par Kadhafi ont failli écraser des insurgés mal entraînés et désorganisés. Il a fallu attendre l’adoption laborieuse de la résolution 1973 du Conseil de sécurité pour que la coalition internationale mène des frappes aériennes et réussisse à stopper l’avancée des troupes fidèles à Kadhafi. En dépit de ce soutien providentiel, les rebelles se sont révélés incapables de réellement inverser la situation. Aujourd’hui, la coalition internationale se trouve face à un choix cornélien : se limiter aux frappes aériennes ou, au contraire, envisager des opérations au sol. La première option a montré ses limites. Car si la coalition, menée désormais par l’OTAN, a réussi à détruire l’essentiel de l’arsenal lourd de Kadhafi, les rebelles ne sont pas parvenus à s’imposer sur le terrain. Quant à la seconde option, celle d’envoyer des troupes au sol, les pays occidentaux préfèrent ne pas même y penser, au risque de tomber dans le piège d’un enlisement durable du conflit. Les exemples irakien et afghan sont encore là pour le rappeler.

La responsabilité de ce probable empêtrement retomberait sur la coalition internationale elle-même, incapable de se fixer des objectifs clairs avec des moyens conséquents. Réunis à Londres le 29 mars dans le cadre d’un « groupe de contact » pour évaluer leur campagne anti-Kadhafi, les pays occidentaux ont en fait étalé au grand jour leurs divergences. S’ils ont entonné d’une même voix que Kadhafi devait « quitter le pays », ils sont restés désespérément divisés sur les moyens de le faire partir. Les Etats Unis et la France ont fait part de leur intention d’armer la rébellion si les raids aériens s’avéraient incapables d’affaiblir les troupes de Kadhafi. Une position qui tranche fortement avec celle de l’Otan. Son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, a rétorqué que l’Alliance Atlantique était là « pour protéger les populations, pas pour les armer ». Sans compter les positions des autres pays engagés, qui oscillent entre hésitation dissimulée et réticence assumée. Sans compter aussi l’hostilité de Pékin et Moscou à la poursuite des frappes aériennes. Un tel désordre risque fort de renforcer le clan Kadhafi et de plonger le conflit libyen dans une guerre civile sans fin, voire dans une partition du pays.

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