Constitution au Maroc : La mécanique Mohammed VI

De ce jeune homme que l’on disait timide et effacé lors de son accession au trône en 1999, il ne reste probablement plus grand-chose. En onze ans de règne, Mohammed VI se sera révélé un redoutable manœuvrier, prenant à contre-pied tous les analystes politiques qui estimaient qu’il manquait de savoir-faire. En annonçant ce soir à la télévision lui même les amendements majeurs de la future constitution marocaine , après plus de trois mois de travail d’une commission dirigée par le constitutionnaliste respecté Abdellatif Mennouni, Mohammed VI se replace au cœur de la réforme marocaine, voulant ainsi se placer au centre d’un échiquier politique quelque peu bousculé par le « printemps arabe ».

En effet, du fait qu’elle n’aie jamais été remise en question par les manifestations de la jeunesse, des facebookers,  ou des opposants lors de ces derniers mois, la Monarchie telle que la conçoit Mohammed VI était la seule à avoir la légitimité pour être aux avant-postes de la réforme , reprenant à son compte l’adage : « Il faut que tout change pour que rien ne change ». C’est là l’un des socles de la pensée de Mohamed VI, une mécanique particulière qui souhaite continuer à cultiver cette « différence » marocaine, qui fait qu’un pays parmi les plus ouverts du monde arabe n’aie pas basculé dans la violence contestataire, du fait peut-être de son identification à cette vieille monarchie régnante, regardée par les marocains comme le cœur de l’atome du royaume chérifien.

La nouvelle constitution marocaine rééquilibre de manière significative les pouvoirs, déléguant une grande partie d’entre eux au premier ministre, qui devient Président du conseil à l’image de l’Espagne. Autre volet crucial, quasiment toutes les questions qui étaient au cœur du débat au Maroc lors de ces derniers mois, telles que  l’identité, les langues, ainsi que les attributions du roi ont été adressées par le texte.

Il faut dire que ses premières armes en tant que roi, Mohammed VI les fourbit face à un vieux routier de la politique, Abderrahmane Youssoufi, premier ministre socialiste nommé par Hassan II à la tête d’un gouvernement d’alternance qui offre au Maroc un bol d’air démocratique en 1998. Youssoufi, qui avait finalement pu s’accommoder du caractère très intrusif de Hassan II, sera complètement dérouté par son successeur, qui lui, choisit de laisser du temps au temps, de contacter directement les ministres, et qui, surtout, veut aller vite. Tenant tête à un premier ministre qu’il juge trop dépensier, le roi le force même à créer en 2000 le fond Hassan II pour accueillir les recettes de privatisation, sorte de fond souverain marocain qui servira à financer les grands travaux d’infrastructure. Dix ans plus tard, le fond Hassan II aura permis de financer près de 1000 kilomètres d’autoroutes, le plus grand port d’Afrique près de Tanger , ainsi qu’une partie du réaménagement de la vallée du Bouregreg à Rabat.  Avec son second premier ministre, il sera précisément question d’infrastructure et d’économie, car en technocrate émérite, Driss Jettou ne se mêlera que très peu de politique, laissant le soin à une majorité hétéroclite de se tirer dessus. Avec Abbas El fassi, son très critiqué troisième premier ministre, Mohamed VI a pourtant voulu respecter le verdict des urnes, en nommant le chef du parti majoritaire. Usé et malade, Abbas el Fassi n’a jamais su incarner la fonction de manière satisfaisante, et il aura fallu à Mohammed VI qu’il se remette en première ligne. C’est donc naturellement qu’aujourd’hui, le souverain met tout son crédit personnel pour demander aux marocains de le suivre dans cette réforme très  ambitieuse incarnée par la nouvelle constitution. En somme, l’aboutissement d’un chemin très personnel incarné par un monarque à part…

A propos de Fitzpatrick Georges 1538 Articles
Georges Fitzpatrick a été analyste financier, puis journaliste spécialisé dans les marchés émergents pendant plus de 20 ans, il a officié à Wall Street dans plusieurs banques d’affaires de la place New Yorkaise

3 Comments

  1. Un souverain digne des plus grand … Les quelques detracteurs increvables pourront protester contre le caractere donné de cette reforme, moi qui suis marocain au meme titre en suis totalement satisfait !!!

  2. bravo à M6 qui a compris que son peuple mérite une vraie démocratie, alors que ses colègues continuent d’étriller leur peuples

  3. Discours historique du Roi du Maroc en ce vendredi 17 juin 2001 :
    une Constitution révolutionnaire pour le peule marocain
    Ce vendredi 17 juin 2011, le Roi du Maroc a annoncé, dans un discours à la Nation, les grandes lignes du projet de nouvelle Constitution qui sera soumis à l’approbation des citoyens marocains par voie référendaire le 1er juillet 2011.
    Cette nouvelle Loi Fondamentale est basée sur sept fondements majeurs, qui concernent la séparation et l’équilibre des pouvoirs, un Parlement issu d’élections au sein duquel la prééminence revient à la Chambre des Représentants (1ère chambre), la reconnaissance constitutionnelle pour la première fois de la composante berbère amazigh, la volonté d’ériger la justice en pouvoir indépendant, le renforcement du statut du Premier ministre, la constitutionnalisation de l’institution du Conseil de gouvernement et la constitutionnalisation des instances en charge de la bonne gouvernance, des droits de l’Homme et de la protection des libertés.
    Cette réforme constitutionnelle globale définit les principes d’une monarchie parlementaire, assurant à l’institution Royale sa continuité historique et son développement pour qu’elle puisse s’acquitter de sa mission d’arbitre, de guide et de référence, et consacrant son rôle, en tant qu’Amir Al Mouminine (Commandant des croyants) et Chef de l’Etat, dans la protection de la religion, de la Constitution et des droits et libertés, et en tant que garant de l’indépendance de la nation et de l’intégrité territoriale du Royaume.
    Ce projet de nouvelle Constitution, si il est adopté, confirmera que le Maroc vient de franchir une nouvelle étape vers la consolidation de la démocratie, du droit et des libertés, que bien des peuples envieraient, notamment dans le Monde arabo-musulman, et particulièrement celui de son voisin de l’Est.
    Aujourd’hui donc, le peuple marocain se doit de choisir par voie référendaire entre un Maroc démocratique et fier ou le chaos avec pour conclusion une dictature islamiste extrémiste à l’iranienne ou de gauche à la stalinienne, deux types de régime inconnus au Maroc et rejetées par la communauté internationale. Deux modèles de gouvernance dictatoriaux qui n’ont plus de place dans le monde du 21ème siècle et dans ceux à venir.
    En conclusion, le Discours Royal du 17 juin 2011 restera à jamais inscrit dans l’histoire du Maroc, comme l’ont été les Discours de Tanger, de M’Hamid Al Ghizlane et d’Agadir, respectivement les 10 avril 1947, 25 février 1958 et 05 novembre 1975. Le 1er consacra la volonté du Maroc de s’affranchir du joug du colonialisme et l’émancipation de la femme marocaine, le second a constitué le 1er jalon dans le combat du Maroc pour la récupération de ses provinces sahariennes et la consécration de son intégrité territoriale, le 3ème est relatif au déclenchement de la marche pacifiste, la Marche Verte, pour la libération du Sahara marocain du colonialisme espagnol.
    En vous demandant de bien vouloir publier et diffuser ce papier. Une réponse par courriel à cette requête serait appréciée.
    Farid Mnebhi.

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