
Par Ahmad Sharawi et Mariam Wahba – Foundation for Defense of Democracies (FDD)
Lorsque l’Iran menaça de fermer le détroit de Gibraltar au début de la guerre entre Israël et le Hamas, la déclaration fut accueillie avec scepticisme. Aucun élément tangible ne laissait penser que Téhéran pouvait agir militairement dans cette région stratégique. Et pourtant, des révélations récentes éclairent d’un jour nouveau cette menace apparemment farfelue.
Un rapport du « Washington Post » met en lumière une stratégie d’influence iranienne bien plus étendue qu’on ne le pensait, passant notamment par le Front Polisario, groupe armé séparatiste basé en Algérie et actif contre le Maroc au Sahara occidental. Selon ce rapport, l’Iran, via le Hezbollah, aurait formé des combattants du Polisario désormais actifs en Syrie aux côtés des forces loyales à Bachar al-Assad, autre allié de Téhéran.
Des alliances bien établies
Ce partenariat entre l’Iran, le Hezbollah et le Front Polisario ne date pas d’hier. Déjà en 2018, le Maroc accusait Téhéran de soutenir le Polisario en lui fournissant armes et assistance logistique via son proxy libanais. En réaction, Rabat avait rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran. Les tensions se sont ravivées en 2022, lorsque des images présentées à l’ONU ont confirmé la livraison de drones iraniens et d’autres équipements militaires sophistiqués au Polisario.
En janvier dernier, des vidéos publiées sur les réseaux sociaux simulaient une attaque de drones menée par le groupe contre des cibles marocaines, laissant craindre une montée en puissance de ses capacités offensives.
Le rôle stratégique de l’Algérie
L’Algérie joue un rôle clé dans cette dynamique. Elle soutient financièrement et militairement le Polisario, héberge sa direction dans les camps de réfugiés de Tindouf, et lui délivre des documents officiels. Ce soutien s’inscrit dans une stratégie régionale visant à maintenir une pression constante sur le Maroc.
L’un des épisodes récents les plus marquants remonte à novembre 2024, lorsque des roquettes ont été tirées par le Polisario lors d’une commémoration nationale marocaine. L’attaque, selon la presse marocaine, aurait été lancée depuis le territoire algérien, alimentant davantage les tensions bilatérales.
Une mouvance aux accointances jihadistes
Les connexions du Polisario ne se limitent pas à l’Iran et au Hezbollah. Le groupe a également servi de tremplin pour plusieurs figures jihadistes majeures. L’exemple le plus frappant est celui d’Adnan Abou al-Walid al-Sahraoui, ancien cadre du Polisario devenu dirigeant de l’État islamique au Sahel, tué en 2021 par les forces françaises. Son parcours illustre la perméabilité entre séparatisme armé et radicalisme jihadiste dans la région sahélo-saharienne.
Une génération sacrifiée dans les camps
Le coût humain de ce conflit prolongé est alarmant. Une ONG basée à Genève a alerté le Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur l’exploitation systématique des enfants dans les camps de Tindouf. Selon elle, de nombreux jeunes sont privés d’éducation et enrôlés de force dans des programmes militaires dès leur plus jeune âge.
Que faire ? La réponse américaine attendue
Face à cette situation explosive, les auteurs appellent Washington à agir. Ils recommandent d’ouvrir sans délai le consulat américain promis à Dakhla, dans le Sahara marocain, pour réaffirmer la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc. Ils suggèrent également que le Front Polisario soit inscrit sur la liste des organisations terroristes étrangères, en raison de ses liens avec l’Iran, le Hezbollah et des réseaux jihadistes actifs en Afrique.
Ce positionnement enverrait un message fort : les États-Unis ne toléreront pas que leurs alliés soient déstabilisés par des groupes armés soutenus par des régimes hostiles, quel que soit leur terrain d’action.
À propos des auteurs :
Ahmad Sharawi et Mariam Wahba sont analystes à la Foundation for Defense of Democracies (FDD), un centre de recherche spécialisé dans la politique étrangère américaine, la sécurité internationale et les dynamiques de pouvoir au Moyen-Orient.
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