
Après plus d’un an de recul constant, la déforestation en Amazonie brésilienne est de nouveau en hausse. D’après les données satellites de l’Institut national de recherches spatiales (INPE), 666 km² de forêt ont été détruits en juillet 2024, contre 500 km² à la même période l’année précédente — soit une augmentation de 33 %. Ce rebond constitue le premier signal négatif depuis le retour au pouvoir de Luiz Inacio Lula da Silva, en janvier 2023.
Le président brésilien avait fait de la lutte contre la déforestation une priorité de son troisième mandat, en rupture totale avec la politique environnementale laxiste de Jair Bolsonaro (2019-2022), sous qui les coupes illégales et l’orpaillage clandestin avaient atteint des niveaux records. Lula s’était notamment engagé à éliminer totalement la déforestation illégale d’ici 2030, un objectif central de sa diplomatie climatique sur la scène internationale.
Face à cette hausse, le gouvernement tente de relativiser. « Le mois de juillet 2023 avait enregistré une réduction très au-dessous de la tendance historique », a déclaré João Paulo Capobianco, secrétaire exécutif au ministère de l’Environnement, lors d’une conférence de presse. « Ce que nous observons aujourd’hui est une fluctuation ponctuelle, pas une inversion de tendance. Sur l’année écoulée, la réduction reste extrêmement importante. »
Cette dégradation passagère s’explique en partie par des facteurs conjoncturels. Le gouvernement pointe notamment une grève prolongée au sein de l’Ibama, l’agence de protection de l’environnement, qui a paralysé de nombreuses opérations de terrain. Mais d’autres menaces plus structurelles pèsent sur la région.
L’Amazonie continue de subir les assauts d’activités illégales : extraction minière sauvage, accaparement foncier, défrichements liés à l’élevage intensif. Des mafias locales organisent ces filières, parfois avec la complicité d’élus ou de forces de l’ordre corrompues. Selon les ONG, les amendes et sanctions restent largement insuffisantes face à l’ampleur des délits environnementaux.
L’Amazonie est souvent qualifiée de « poumon vert » de la Terre. Elle stocke environ 90 à 140 milliards de tonnes de CO₂ et joue un rôle clé dans la régulation du climat mondial. Sa dégradation accélérée menace non seulement la biodiversité exceptionnelle qu’elle abrite, mais aussi les équilibres hydrologiques et atmosphériques du continent sud-américain.
Sous la pression de la communauté internationale et des bailleurs de fonds — notamment européens — Lula a présenté en juin un Plan de Prévention et de Contrôle de la Déforestation, qui vise à renforcer la coordination entre forces de l’ordre, agences environnementales et autorités judiciaires. Le président a appelé à une « mise en œuvre rapide et agile », conscient que la crédibilité environnementale du Brésil est en jeu.
Ce revers illustre les tensions permanentes entre les engagements climatiques du Brésil et les réalités économiques et politiques du pays. Dans un contexte où l’agrobusiness reste un pilier de l’économie nationale et un lobby très influent à Brasilia, concilier développement économique et protection des forêts s’annonce comme l’un des défis majeurs de ce début de mandat.
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